3ème fois en 5 ans que je me retrouve dans cette aire de départ au cœur de Chamonix. Il reste 30 minutes avant le lâché des fauves, quand tout un coup, une question m’envahie : Guillaume, tu te rends compte ou bien que tu vas devoir enquiller 166km et que tu vas en chier!? Bah heuhhhh, non ?
Le départ est donné. Comme je m’en doutais, ça part vite, très vite, trop vite? Je me mets tout de suite en rythme de croisière. De toute façon je n’ai pas le choix, ni la marge. Cette année ma préparation si on peut parler de préparation est plus que de limite. Je mise tout sur mon fond, (je me la raconte un peu non?) en espérant que cela suffise pour me faire plaisir et finir en 28h-29h.
Début sans souci, y’a du monde, normal. Ca s’étire un peu dans la première descente sur St Gervais. J’y vais gentiment, histoire de ne pas me fusiller les guiboles. Je fais une petite glissade herbeuse dans une sortie de courbe, mais rien de grave. Les premiers signes se font sentir sur la route des Contamines, les jambes de bois sont déjà là!
Dans la montée au col du Bonhomme, les premières crampes aux quadriceps apparaissent. Je retrouve Jean Claude au ravito de la Balme. Je décide de faire un bout de route avec lui, il a de la bouteille le gaillard. La descente sur les Chapieux se fait tant bien que mal. Les sensations ne sont pas bonnes du tout, j’en suis à me dire que ca va être dure, mais y’a pas moyen, je ne lâche pas, je la veux ma polaire finisher!
J’essaie de m’accrocher laborieusement à JC sur la route qui mène au col de la Seigne. La montée au col se déroule plus facilement. Par contre je commence à avoir carrément mal aux jambes. Je descends comme une guenille, je me fais bousculer à chaque pas. JC ne va pas mieux non plus. Au col des Chécrouit je l’attends 15 minutes, il a un coup de pompe. On attaque la descente ensemble, je ne le reverrais plus.
A Courmayeur je m’octrois plus de 45min de pause, je mange une bonne assiette de pâtes, des Tucs et du fromage. Sandrine Béranger (4ème féminine !) arrive à ce moment là, elle n’est pas au mieux, j’essaie de lui remonter le moral, elle mange un peu et elle repart rapidement. De mon cotés je décide de me faire masser avant de repartir, je ne suis pas pressé. A coté Steph Pfend se refait également une petite santé au massage.
En repartant, la fraicheur de l’aube me saisie, je claque des dents, je marche rapidement pour me réchauffer, je n’ai pas la motivation de courir. J’ai plusieurs coureurs devant moi, je les suis, cela me permet de garder un peu de rythme jusqu’à Bertone. Au refuge juste le temps de boire un café, puis je repars. J’ai envie de courir mais mes jambes elles, préfèrent marcher. Dés le début je me fais doubler par Alain Prost, un espagnol qu’il lui ressemble trop, si je vous jure! Dans la traversée je retrouve Val toujours souriant malgré ses crampes. Je lui donne quelques pastilles sel. Sous le refuge, j’aperçois Sandrine, qui fait une petite pause dans l’herbe sous les premiers rayons de soleil. Elle s’arrête à peine au refuge Bonnati et repart en trombe.
Enfin la descente sur Arnuva, j’ai mal aux jambes mais je décide de lâcher les freins. J’allonge la foulée les jambes sont raides. Je sers les dents, puis au bout de quelques foulées les muscles semblent s’assouplir, je retrouve le sourire. J’arrive au ravito d’Arnuva plus optimiste pour la suite. Sandrine est en train de se ravitailler, je l’encourage à nouveau avant de repartir.
Le col Ferret est avalé sans éclats, je jette un regard vers la suite. Allez ! Je décide de faire chauffer les cuissots dans la pente jusqu’à la Fouly. Ca couine pas mal au début puis la machine se dégrippe au bout de quelques mètres. J’arrive à la Fouly bien chaud.
Sur le chemin de Champex, après avoir fait illusion sur les premiers kilomètres, je me prends un bon coup de mou des familles. Je me traine péniblement jusqu’à la base de vie. Je suis complètement cramé. Heureusement Seb et Jeff, sont là, ils m’encouragent. Ca me fait du bien de les voir. Ils s’occupent de mon sac. Je me ravitaille difficilement. Je me sens vidé, je décide de faire une petite sieste de 5min à l’ombre avant de repartir.
Désormais je suis sur une base de 30h-31h. Je n’ai plus de jus pour courir. La montée de Bovine se passe piano piano, au ravito je m’étends 10-15 min dans l’herbe. Plusieurs groupes de coureurs défilent devant moi. Ca commence à me titiller de les voir me doubler, je repars avec pour objectif de grappiller des places. Je connais bien la descente, alors j’allonge la foulé, et c’est partis mon kiki.
Au col de Forclaz je retrouve Sev ma chérie et Olivier mon photographe perso qui arrivent tout juste de Grenoble. J’ai la banane, Je suis surmotivé, pour en finir le plus vite possible. Je réalise à quel point le soutien des amis est une incroyable source de motivation! Ca marche vachement mieux que les gels!
Trient est la dernière grosse pause que je m’accorderai. En repartant je recroise Sandrine elle a l’air remontée à bloc! Elle a dû envoyer du gros dans la descente pour être là! Pour la première fois j’ai l’impression d’avoir du jus, puis comme je n’ai pas envie de me faire doubler par Sandrine qui déboule à fond, j’accélère. J’arrive à Catogne avec de supers sensations, je ne me suis jamais senti aussi bien depuis le début, c’est cool. Je commence à me dire que je peux finir en moins de 30 h, si je continue comme ça. J’attaque la descente sur Vallorcine à fond de cale.
Je déboule à Vallorcine avec la ferme intention d’arriver avant minuit. Je fais un arrêt express au ravito et je repars aussi sec.
J’alterne course et marche jusqu’au col des Montets. Au col, je sors la frontale, je revois une dernière fois mes supporters, contents de savoir qu’ils ne seront pas obligés de veiller jusqu’à 1h ou 2h du mat à m’attendre.
La dernière montée est raide, grosse marche, dalle rocheuse, j’ai une pensée vers tous les concurrents qui suivront. Dans la traversée vers Flégère, je subis un max le terrain, ma frontale éclaire que dalle, impossible de courir. Je m’impatiente, je ne croise personne hormis des chamois et des bouquetins. A Flégère, je retrouve plusieurs coureurs qui m’avaient doublé en Suisse, dont un groupe d’espagnol avec le fameux Alain Prost.
Une bénévole m’indique qu’il reste 40 min avant l’arrivée : Quoi 40min ! Fallait me le dire ! Je remballe mes cliques et mes claques et en avant Guingan ! Je parts à fond sur la piste puis dés que le piste laisse place au sentier, je me mets en mode sanglier, ça glisse, ça roule, ça tapasse, je me régale. Je vois pas grand choses entre la poussière blanche qui masque le relief et ma frontale qui n’éclaire pas. Je suis limite, je sauve deux trois sorties de piste, puis arrive ce qui devait arriver, une faute de carre et vlan! Je m’étale comme une grosse loutre. Check up…pas de bobos, j’ai juste bouffé un peu de poussière et quelques égratignures. Je ne lâche pas et repart à fond. Je double plusieurs coureurs, qui descendent en marchant. Les lumières de la ville se rapprochent, la route est en vue. Je décide de finir à toc. Les rues de Chamonix sont encore bien animées, je suis heureux, je savoure ce moment, cette ambiance, magique, je lève les bras 29h10, contrat rempli. Je récupère ma polaire, attrape une bière et une poignée de chips, que du bonheur!
Très bon récit : on sent l'expérience et les qualités de descendeurs... et quel finish !!!
RépondreSupprimerA bientôt.